Alice n'était pas en forme, et cela depuis une semaine. Elle finit par me donner rendez-vous - en pleine nuit - dans la salle d'histoire-géo. Je la retrouvai donc là-bas, le dimanche, au milieu de la nuit. La lumière de la lune, seule disponible, faisait ressortir sa pâleur. Elle n'était certainement pas au meilleur de sa forme. Et il ne s'était écoulé qu'une semaine. Si elle avait attendu plus, dans quel état serait-elle ?

Alors, Alice, tu vas enfin accepter de parler de ce qui te tracasse depuis une bonne semaine ?

   
 

 

Alice me faisait peur. Je ne l'avais jamais vue comme ça. Mais qu'est-ce qui avait bien pu la mettre dans un état pareil ? Bon, certes, nous nous connaissions juste depuis un mois et demi. Peut-être qu'elle passait dans cet état régulièrement ? Mais qu'elle me demande de ne pas en parler à Azaye... Nous étions comme les doigts de la main, toutes les trois. Sans secret les unes pour les autres. Mais s'il fallait passer par là pour qu'Alice aille mieux... Tant pis.

Je suis une tombe, ne t'inquiète pas. Je n'en toucherai pas un mot. À personne. Je te le promets.

 

Ce n'était pas le moment des "Je te l'avais bien dit". Ça ne serait certainement jamais le moment. De toute manière, elle n'avait rien choisi. Sinon, elle ne serait pas en train de pleurer. Elle ne serait pas triste et dépérissante. Je l'enlaçai. Rien de mieux pour le moral qu'un câlin.
Je croisai les doigts, espérant qu'il ne s'agirait que d'un béguin temporaire. Rien de plus...

Ne t'inquiète pas, Alice. Tout ira bien. On trouvera une solution.

 

...Elle était peut-être amoureuse, mais à ce stade-là, ce n'était même plus elle. Elle était la fille la plus observatrice de cette planète. Elle ne pouvait pas penser que Mr. Holmes ne la regardait pas.

Aliiiiice... On t'a remplacée ou t'as de la M**de dans les yeux ? Pour voir, faut regarder ! Tu passes les cours d'anglais à fixer le point le plus éloigné de lui ! Moi, c'est pile dans mon champ de vision, figure-toi. Il te regarde... pas mal. Plus que les autres élèves. C'est lui qui devrait être vexé, pas toi ! Et... À ton avis, ces extra-terrestres ont-ils la même morale que nous ? Sur ce point, je veux dire. Est-ce qu'une relation entre un prof et son élève est interdite, chez eux ? En plus, il est jeune... C'est pas comme si t'étais tombée amoureuse d'un quinquagénaire ! Souris, allez ! Amaigrie, pâle et déprimée, t'es nettement moins séduisante.

 

Je rendis son sourire à Alice. Elle aussi était géniale, à un point qu'elle ne pouvait pas se représenter.

Oui, je te dis. Pourquoi je te mentirais, dis ? Il te regarde autant qu'il peut sans que ça se remarque. Par les gens pas attentifs, je veux dire. Et puis, après notre septième année, tu ne seras plus élève, plus de risques à ce niveau, et une dizaine d'années d'écart, c'est pas tant que ça...

 

Alice trouvait donc étrange que je la soutienne dans son histoire d'amour impossible. Je laissai échapper un petit rire.

T'es déjà amoureuse. Je peux pas t'en empêcher. Alors, au moins, je te souhaite d'être heureuse et acceptée par l'amour de ta vie. C'est pas si étrange, non ?

 

Alice partit finalement Je l'imitai une bonne minute plus tard et rejoignis ma chambre. Fort heureusement, Azaye et Rosa dormaient déjà. Je m'endormis au bout de longues minutes, alors que l'amoureuse n'était, elle, toujours pas de retour.