Je pouvais enfin prendre ce corps. J'avais toujours besoin d'un relâchement de réflexion de la part d'Adélaïde pour l'envahir. Et avec une fille qui pensait autant, il s'agissait de quelque chose d'assez difficile. Mais je pouvais toujours compter sur une petite crise émotionnelle... Malgré son air de robot, il lui arrivait de ressentir des émotions. Il ne fallait pas imaginer qu'elle puisse avoir des sentiments, quels qu'ils soient, par contre. Une émotion. Un petit quelque chose, pendant une infime seconde, me permettant de prendre possession d'elle. Sans même qu'elle en soit consciente. Je suis en elle depuis tellement longtemps, lui soufflant insidieusement à l'oreille, sans qu'elle sache que je suis là, que nous serions indissociables. Je suis elle, elle est moi. Nous ne sommes qu'un. Et même si elle contrôle habituellement tout, je lui murmure des pensées à chaque seconde. Je n'aimais pas cet endroit. La liberté me manque. Une liberté où elle n'aurait même pas à réfléchir. Juste à respirer pour être bien. Pour être elle. Plus une surdouée possédée. Une unique fille, sans pensées philosophiques, théologiques ou métaphysiques*. Je voulais lui offrir le bonheur qu'était la sensation d'être normale. Je voulais être vraiment, totalement elle. Sans distinction possible. Rien ne nous retiendrait. Jamais plus. Je la fis survoler la grille et partir. Commençai à courir. Pour des années s'il le fallait. Nous allions disparaître. Je ne la laisserai jamais mourir. Et elle saurait que je suis là. Avec elle.